La multiplication des équipements numériques dans notre quotidien a amené chercheuses et designers à étudier la façon dont nous interagissons avec ces systèmes automatisés. Dans les arts, et en particulier la musique, cet apport technologique ouvre encore aujourd’hui des possibilités de créativité presque sans limite, notamment grâce à la disparition des contraintes physiques de production du son rencontrées avec les instruments acoustiques. Toutefois, cette évolution n’est pas sans conséquence sur les spectateurs de ces interactions musicales d’un nouveau genre. Ainsi, la disparition du lien physique entre la gestuelle des musiciens et le son peut perturber l’expérience des spectateurs et les amener à douter de la contribution de l’artiste comparée à celle de processus automatisés comme les séquenceurs et les pistes audio. Pour répondre à ces problématiques, artistes et chercheurs en IHM, en musicologie et en sciences cognitives ont développé des techniques visant à mieux comprendre et à améliorer l’expérience spectateur. Malgré le concours indéniable de ces techniques, à notre connaissance leur efficacité n’a encore jamais été formellement comparée et l’experience spectateur reste un phénomène élusif qui n’apparaît pas totalement capturé par les études de terrain. Pour clarifier la notion d’experience spectateur, nous identifions ses composants potentiels dans la littérature. De là, nous proposons et évaluons un premier modèle de la familiarité qu’un observateur peut avoir avec un instrument numérique. Nous complétons cette contribution théorique avec une revue des techniques d’augmentation de l’expérience spectateur (SEATs) et les structurons dans une taxonomie. Dans une série d’experimentations, nous comparons ensuite l’impact des SEATs sur l’expérience des spectateurs. Afin de permettre l’étude de ce phénomène relativement ambigu, nous le décomposons en composants subjectifs et objectifs plus facilement adressables dans nos protocoles. En particulier, nous soulignons le rôle central de l’agentivité attribuée qui est l’évaluation par une observatrice du niveau de contrôle d’une personne en train d’executer une action. Avec cette approche méthodologique, nous évaluons l’efficacité de deux SEATs: les explications d’avant concert et les ”augmentations visuelles”, technique qui consiste à diffuser en temps réel les représentations graphiques des interactions du musicien et les mécanismes de son instrument. Nous démontrons l’impact positif des augmentations visuelles sur l’expérience subjective des spectateurs ainsi que sur leur confiance dans la contribution des musiciens. Dans une étude complémentaire, nous apportons des détails sur les contrastes entre experts et novices, en particulier en termes de compréhension subjective et nous démontrons l’impact du niveau de détails des augmentations visuelles sur l’expérience des spectateurs. Ce travail propose également des lignes directrices et des outils pour les développements futurs. Ainsi, nous présentons PEANUT, un pipeline conceptuel pour l’augmentation des performances musicales. Structuré en modules, le pipeline inclut l’acquisition de signaux électrophysiologiques et subjectifs des spectateurs ainsi que l’extraction d’informations des interactions musicales. Les données sont ensuite intégrées dans des objet nommés correspondances dont la fonction est de reproduire les modèles internes des spectateurs. Nous enrichissons ce concept d’une étude préliminaire dans laquelle nous démontrons la pertinence de la force de préhension comme marqueur objectif de l’agentivité attribuée. Enfin, nous adhérons aux recommandations Open Science et déposons publiquement l’ensemble de nos données anonymisées ainsi que les outils et les analyses statistiques qui ont mené à nos conclusions. Dans la même idée de transparence et de reproductibilité, nous portons une attention particulière aux traitements statistiques en y incluant des méthodes bayésiennes qui nous permettent de proposer des interprétations plus fiables et plus étayées.
M. Laurent GRISONI CRIStAL, Lille University Directeur de thèse M. Marcelo WANDERLEY McGill University Rapporteur Mme Myriam DESAINTE-CATHERINE LaBRI - Bordeaux University Rapporteure M. Florent BERTHAUT CRIStAL, Lille University Examinateur M. Stuart REEVES University of Nottingham Examinateur Mme Yvonne DELEVOYE SCALab, Lille University Examinatrice
Thèse de l'équipe MINT soutenue le 20/10/2020